INTRODUCTION

« Rien n’est plus digne d’étude que l’autorité des lois, qui disposent au mieux des choses divines et humaines et bannissent toute iniquité. »

Justinien, Constitution Deo auctore du 15 XII 530

Intérêt de cette étude

Essayer de comprendre au mieux ce qu’est le droit, au travers de ce qu’il a été : s’attacher sinon a saisir son essence, du moins à mesurer la variété de ses manifestations. Il importera donc, notamment :

* de ne pas réduire le droit à la loi ou aux règlements (tendance forte du droit contemporain) : illusion fétichiste qui fait du Code civil l’alpha et l’oméga du droit. Tentation de l’esprit humain visant à saisir dans un volume fini l’infinité des possibles juridiques.

* de s’interroger sur les rapports entre droit et pouvoir. Est-ce le pouvoir qui fait le droit ? Ou est-ce le droit qui fonde le pouvoir ? Peut-on concevoir un droit sans pouvoir ? Peut-il exister un pouvoir sans droit ? Par quelles procédures le pouvoir rend-il le droit vénérable et aimable, bref, incontestable ?

* de comprendre que l’on ne saurait limiter le domaine du pouvoir au seul champ étatique. D’autres formes d’influences ou de dominations existent ou ont existé, qui sont largement extérieures à l’Etat (Eglise, conscience collective, leaders d’opinion, classe sociale, etc.)

Au total, donc, une histoire juridique qui est aussi, largement, une histoire sociale et une histoire politique, au sens large.

 Difficulté de cette étude 

* porte sur la longue durée : de la chute de l’E.R (476) à la codification révolutionnaire et napoléonienne. Soit plus de 13 siècles (1328 ans exactement), riches de faits nombreux et capitaux, qu’il s’agira d’exposer dans un volume horaire modeste. D’où l’importance fondamentale d’une imprégnation chronologique (cf. chrono + biblio.)

* concerne une nouvelle discipline, le droit, dont les mécanismes sont encore largement ignorés. Attention, en outre, aux idées fausses et aux opinions « toutes faites ».

C’est pourquoi, plutôt que de s’essouffler à décrire le fond du droit, ou le fonctionnement minutieux d’innombrables institutions, il a été jugé préférable de centrer l’étude sur les sources du droit, c’est à dire sur les mécanismes de son élaboration et de sa production, pris dans leur contexte socio-économico-politique.

 Première partie : Les grands cadres normatifs

Chapitre 1 : La Coutume, entre foisonnement et contrôle

–               Marginalité apparente de la coutume dans notre droit contemporain. Ceci contraste fortement avec la double perspective géographique et historique proposée par le droit comparé : coutume très présente dans d’autres traditions juridiques (Common Law), voire dans d’autres systèmes d’organisation (D.I.P.) ; a de même longtemps servi de fondement au droit français (public et privé) jusqu’à ce que le vaste mouvement de mise par écrit du droit (rédaction de la 1ère constitution en 1791 ; achèvement du Code civil en 1804) ne lui porte un coup fatal.

–               Marginalité devient même une incongruité lorsque l’on cherche à rapprocher coutume et droit public : apparaît presque par essence comme un droit irréductible au phénomène coutumier :

  • Parce qu’il est massivement écrit (qu’il se fonde sur un corpus normatif ou sur une activité jurisprudentielle dominée par la procédure inquisitoire) ;
  • Surtout parce qu’il est l’émanation même de l’autorité souveraine : « droit d’en haut » qui s’oppose trait pour trait à la coutume, issue d’une obscure « conscience collective », sorte d’inconscient du droit refoulé dans les tréfonds de la rationalité organisatrice.

–               Caractère largement a-problématique de la définition aujourd’hui[1] la plus usuellement retenue du phénomène coutumier : « Règle non écrite issue d’un usage général et prolongé et de la croyance en l’existence d’une sanction à l’observation de cet usage (opinio necessitatis). Elle constitue une source de droit, à condition de ne pas aller à l’encontre d’une loi. »[2] Se décompose traditionnellement en 2 éléments :

  • Le corpus, ou élément matériel = ensemble d’usages répétés, non contradictoires et paisibles ;
  • L’animus, ou élément psychologique : croyance ds le caractère obligatoire de la coutume

Pourtant, aucun de ces éléments ne va de soi. Peuvent tous être contredits ou ) tout le moins nuancés :

  • définition qui reflète l’architecture contemporaine de notre système juridique légicentré : cherche à rationaliser la coutume en la décomposant et à la confiner en la subordonnant («à condition de ne pas aller à l’encontre d’une loi »). Ne doit donc pas être acceptée comme vérité absolue.
  • Plus profondément, définition qui masque l’essentiel, qui camoufle le coeur du pb. Dès lors que l’on accepte d’inscrire la coutume dans l’ordre juridique, on se doit de s’interroger sur l’opération de transsubstantiation qu’elle opère discrètement et continûment : passage du fait au droit = « interrogation la plus fondamentale que puisse s’adresser le juriste. »[3] Découpage du réel apte à le rendre saisissable par le droit : processus de réduction.

Coutume constitue donc l’une des expressions les plus complexes de la chose juridique : objet en effet largement insaisissable, du fait de son positionnement même, à la fois dans et hors du droit : « Ce qui singularise les règles coutumières, en fin de compte, et explique le malaise dans lequel elles plongent les juristes, c’est sans doute moins qu’elles ne soient pas écrites, car ce trait ne caractérise que le produit final et ne met en cause que sa consistance exacte, que le fait qu’elles ne soient pas produites en vertu d’un mode organisé, unanimement reconnu comme base stable de l’édifice juridique, car ce fait porte atteinte à l’existence même de la règle coutumière, ou, si l’on veut, à la possibilité légale de son existence. »[4] La coutume est donc fluctuante, mouvante, changeante, et sa juridicité même est en doute. Avec elle, rien de certain ni d’assuré. C’est précisément en cela qu’elle entretient une profonde connivence avec le coeur même du processus de cristallisation juridique, permettant de s’interroger sur ses limites et sur son fonctionnement : sorte de mise en évidence des soubassements du droit, écorché anatomique que la doctrine s’efforce plus ou moins habilement de masquer mais qui apparaît avec netteté dès lors que l’on observe le phénomène au travers d’une épaisseur historique suffisante : coutume se révèle à nous dans le temps. C’est à une sorte de dissection rétrospective que nous sommes conviés.

Section I- Préhistoire coutumière (IIIè-XIè siècles)

§ I- La coutume résiduelle des Romains

Coutume pas inconnue du droit romain, dont elle constitua même longtemps l’une des sources majeures, avant d’être réduite au rang de simple source supplétive ou d’instrument d’accommodation du droit écrit, au temps de l’Empire, du monopole normatif de l’empereur et des grandes compilations, qui en proposèrent d’ailleurs des définitions contradictoires.

Demeure cepdt. vivante, en raison de l’étendue de l’Empire et de la généralité souvent excessive des constitutions impériales : usages suivis par les populations provinciales non complètement romanisées ou pratique quotidienne peu soucieuse des principes théoriques du droit. Menacent l’unité du droit.

– assouplissement des décisions de l’emp. Par la prise en compte d’usages locaux, même si ceux-ci tendent à æ après l’édit de Caracalla.

– pénétration d’usages locaux dans les constitutions impériales, à partir de Const. Ces usages en effet n’ont pas disparu après l’Edit de Caracalla : en tolérant officiellement leur maintien au profit des nouveaux Romains, l’édit renforça leur capacité de contamination sur le droit officiel. C’est en Orient surtout que l’on constate la pénétration des usages locaux.

En dehors des usages locaux, une autre forme de droit coutumier tient, au B.E., une place imptante = la pratique romaine ou provinciale, sorte de droit romain simplifié, + attentif aux réalités concrètes qu’aux subtiles analyses. N’est pas le produit de coutumes pérégrines, mais se distingue du droit officiel comme le latin vulgaire, ou la langue parlée de la langue littéraire. Droit né de la pratique, appliquant, en les dénaturant et en les simplifiant, les concepts théoriques. Adapté aux besoins de la vie, il donne la part belle aux réalités économiques. On voit ainsi apparaître les notions juridiquement aberrantes de propriété inaliénable ou de propriété limitée ds le temps. La possession de longue durée et l’usufruit sont confondues avec la propriété. Ce droit vulgaire émerge à partir de la fin IIIème siècle. Il s’affirme en profitant du déclin de la jurisprudence et tend à envahir les chancelleries que ne protège plus la science des grands juristes.

Face à ces deux formes nouvelles de coutume, attitude variable du pouvoir. Certains emp. comme Dioclétien opposèrent aux usages provinciaux et aux déviations vulgaires le barrage de leurs rescrits ; d’autres, comme Constantin, se montrèrent moins sensible à la défense de la pureté classique ; leurs constitutions étaient perméables à bien des innovations provinciales ou vulgaires.

§ II- L’essor du droit coutumier à l’époque franque

Avec les invasions germaniques, et avant l’apparition des coutumes territoriales proprement dites, un double mouvement de transformation de l’ordre juridique romain peut être assez aisément identifié : une tendance à l’éclatement de l’unité juridique (A) et une poussée nette de l’oralité (B).

A- Le morcellement de l’ordre juridique

En droit positif, la loi de l’Etat régit en pcipe ceux qui, nationaux ou étrangers, vivent sur son territoire : c’est la règle de la territorialité des lois. Cf. Art. 1 C. Civ. :

« Les lois sont exécutoires sur tout le territoire français, en vertu de la promulgation qui en est faite. »

Dans l’E.R, depuis l’édit de Caracalla, et quelles que soient les variantes du droit romain dit « vulgaire » appliquées dans les diverses provinces d’Occ., le pcipe de l’unité jurid. de la romanité avait toujours été pareillement sauvegardé : l’ensemble des pop. vivant sur les terres où s’exerçait le pouvoir des emp. suivait des usages sinon semblables, du moins inspirés de sources communes, puisée dans les constitutions ou les codifications du B.E. Le droit était donc d’application territoriale, et même universelle.

Les choses changèrent avec l’installation des peuplades « barbares » : coexistence d’éléments ethniques diversifiés et de cultures différentes. D’où une juxtaposition des traditions jurid. Pas de tentative des envahisseurs pour imposer aux Gallo-romains l’obéissance à leurs lois : reconnaissance implicite de la supériorité technique du droit romain. Surtout, populations germaniques trop peu nombreuses pour imposer leur propre droit, au demeurant rudimentaire.

En pratique, donc : Juxtaposition des lois barbares et des lois romaines, soulevant la question du droit applicable devant les tribunaux. Application du syst. de la personnalité des lois, c.a.d. détermination du droit applicable effectuée en fonction de l’origine ethnique de la pers. : imptce de la professio legis : « sous quelle loi vis-tu ? » C’est la naissance qui règle le pb ; : l’enfant légitime suit la loi de son père ; l’enfant naturel la loi de sa mère. Le syst. connaît cepdt des exceptions :

– f. mariée prend la loi de son mari, si elle est différente de la sienne ;

– affranchi suit la loi en vertu de laquelle a été accompli son affranchissement ;

– clercs suivent tjrs la loi romaine.

Syst. prévalant pdt pl. siècles. D’autant + imptant en Gaule que le royaume méro. = le + puissant d’Europe : force conquérante qui assujettit de nbreux peuples sous son joug.

Cependant, attention : la personnalité des lois semble avoir été interprétée de manière trop systématique : probablement inconnue des Burgondes et des Wis., elle n’intervenait d’ailleurs que ds une minorité de cas, à titre de dérogation aux règles législatives, romaines ou coutumières qui régissaient la + grande partie de la population. Elle n’excluait  as l’existence concomitante de la territorialilté, a fortiori ds les régions où le peuplement germanique était très minoritaire : le lieu de naissance valait alors comme présomption d’appartenance à une « nation » et déterminait très largement la loi applicable.

En outre, les lois royales s’appliquait à tous et l’Eglise était soumise uniformément au droit romain. Enfin, fusion progressive des « races », oubli des origines ont enlevé une bonne partie de son objet à la personnalité des lois, qui n’a laissé que qques traces aux Ixè et Xè siècles.

N’en a pas moins été le premier signe d’éclatement de l’universalisme juridique romain.

B- Les lois nationales des Germaniques

Avt les invasions, Germains régis par des coutumes non écrites, issues de la CS jurid. du peuple, conservées et transmises de génération en génération par les sages de la tribu.

v Avec les invasions : mise en contact avec des civili. techniquement + avancées. D’où la nécessité d’une mise par écrit, à des fins de conservation. En outre, chose remarquable : cette rédaction se fit partt en latin, sauf chez les Angles et les Saxons. Ce sont ces coutumes rédigées qui portent improprement le nom de « lois barbares ».

En Gaule, furent notamment diffusées :

– la loi des Wis. ou Code d’Euric, la + ancienne (v. 470-480)

– la loi des Bugondes (ou loi Gombette), rédigée sur ordre de Gondebaud au début du VIè s.

– surtout : la loi salique, ou loi des Francs saliens (installés au N. de la Gaule, dans la partie la + occidentale). Celle de lois germaniques ayant le + conservé son originalité primitive. En outre = loi d’un peuple conquérant, dont les monarques, méro. puis caro. Imposèrent leur pvoir à la + grande parie de l’Ouest européen.

Nbreuses rédactions. + de 60 manuscrits connus. La + ancienne version date de l’époque de Clovis (510) et la dernière de Charlemagne (fin VIIIè s.). T. peu de traces de christianisme ; présence de gloses malbergiques en francique.

* Contenu : 5 titres seult sur les 65 de la rédaction primitive concernent le droit privé (soit 8 %), avec notamment le fameux titre 59 De alodis, excluant les f. de la succession à la terra salica (texte invoqué à tort au XIVè s. pour fonder l’exclusion des f. de la succession à la Couronne de France).

Le reste  une énumération de compositions tarifées sensées constituer une alternative facultative à la vengeance privée (faida). Syst. Dit du wergeld (prix du sang), variant en fonction de :

la nature du crime : énumération de nbreuses circonstances aggravantes :

*                 casuistique des blessures

*                dissimulation du corps de la victime avec des branches

la qualité de la victime :

  • âge (S.M, procréation)
  • sexe
  • condition sociale

Soc. violente et rudimentaire, mal encadré par un pvoir pol. svt défaillant.

Toutefois, ce régime ne se maintint guère au delà de l’apogée carolingien : dès la fin du IXè siècle ds la région parisienne, autour de l’an mil ds le Midi, les notices de plaid cessent de mentionner la professio legis : lois nationales disparaissent comme source du droit (raréfaction des manuscrits, analphabétisme des juges, fusion, évolutions socio-économiques).

En même temps, interruption de l’activité législative du roi : le dernier capitulaire carolingien est de 884 ; le 1er établissement capétien de 1154. Entre les 2 270 ans de silence normatif. Coutume est donc apparue dans une époque de vacance juridique, en pleine fragmentation de l’espace territorial et en plein reclassement des rapports sociaux. Si les actes du Xè siècle invoquent encore, çà et là , la lex romana et gotha, voire la lex salica, il ne s’agit plus de références cohérentes mais de formules quasiment magiques, protectrices de l’acte réalisé. Extrême confusion des notions juridiques.

Section II : La coutume triomphante (XIIè-XVè siècles)

§I- Emersion (XIIè-XIIIè siècles)

Eclosion étonnamment rapide d’un droit jusqu’alors latent. Jusqu’au XIIè siècle : procès verbal de carence. L’époque est à la convenientia, aux combinaisons contractuelles particularistes et singulières. Cadres institutionnels et intellectuels sont encore trop faibles pour favoriser cette prise de conscience collective indispensable pour la constitution du droit coutumier. L’impression qui domine est celle d’une brèche ds l’usage du droit, une sorte de « vide coutumier » que cherche tant bien que mal à combler la pratique de ces innombrables accords de sauvegarde mutuelle : les convenientiae conclues ds les domaines les plus divers par les potentes lorsqu’ils acceptent de déposer les armes. Absence d’homogénéité . Tout est question de rapport de force.

De manière significative, 1ère éclosion de la coutume semble s’être inscrite ds le cadre des relations féodales et visait essentiellement à limiter l’arbitraire seigneurial : pose moins des règles précises, en matière de droit des personnes ou de droit des biens qu’elle ne sert à définir des champs d’action ou d’interdiction. Consuetudo revêt alors deux sens successifs et apparemment contradictoires :

–       Désigne d’abord (dès le XIè siècle) des droits d’origine publique mais exercés à titre privé par les seigneurs. Se fonde non sur une délégation de pouvoir mais sur l’ancienneté des prestations (d’où l’appellation de « coutume »).Tendance naturelle des titulaires de fiefs d’imposer de nouvelles prestations, non prévues par l’usage : on parle alors d’exactiones ou de malae consetudines. Evolution témoignant d’une lente transformation des rapports de force en rapports de droit.

–       XIIè siècle : changement du contexte socio politique. Concessions de franchises et de libertés aux habitants des villes, notament en matière fiscale et pénale (tarifs coutumiers). Sont souvent qualifiées de « coutumes » : le même mot qui désignait au XIè siècle un droit du seigneur en vient donc à désigner l’exemption de ce droit. N.B. Sur ce point caractère locale de la coutume : s’exprime d’abord ds le cadre d’une ville ou d’une seigneurie.

Contrairement à ce que l’on a longtemps affirmé, hors des rapports féodaux, la coutume n’apparaît comme source de droit que dans la 2ème ½ du XIIème siècle, et parfois plus tard encore (pays méd. Plus précoce : v. 1160). Véritable floraison coutumière, lié à l’essor de la civilisation urbaine (ds le Midi) et à l’éclosion d’une culture juridique savante. Il s’agit bien d’un nouveau droit, dont on chercherait en vain de lointains précédents. Cohérence des nouveaux usages. Prise de conscience de cette spécificité coutumière se fait assez rapidement chez les Méridionaux : incroyable rapidité avec laquelle se répand la technique des renvois au droit local ds les actes de la pratique, que ce soit pour y renoncer ou pour s’y conformer. L’usage devient alors, sinon une règle contraignante, du moins le point normal de référence. N.B. Il y avait parfois, dès avant le XIIème siècle, application d’un droit coutumier. Mais c’était un droit familial, non territorial. La grande nouveauté du XIIème siècle = reconnaissance d’une assise géographique à la coutume. Un tel saut qualitatif suppose une conceptualisation de cette même coutume : rôle de la doctrine et des droits savants.

Lien de cause à effet entre diffusion des connaissances romano-canoniques et émergence des droits coutumiers apparaît difficilement niable même s’il semble de prime abord paradoxal : quels que soient les pays vers lesquels se tournent les regards, la diffusion des connaissances juridiques (par influence bolonaise directe ou par l’intermédiaire de milieux non italiens) précède toujours le discours coutumier. Droits savants (civil ou canonique) servent de révélateurs à la coutume, lui permettent de prendre conscience d’elle-même. D’ailleurs anciens jurisconsultes romains pas hostiles à la coutume :

–       Paul : « consuetudo = optima legum interpres

–       Julien : « inveterata consuetudo pro lege non immerito custoditur »

Sans renaissance des droits universitaires, point de coutume. Innombrables sont les références savantes ds le droit coutumier français. Ds le Midi, la diffusion du droit romain et l’émergence de la coutume, loin de s’opposer, se sont confortés l’une l’autre et ne furent que les deux aspects d’un seul phénomène : la « majoration du droit »[5], c’est à dire l’intronisation de la règle juridique comme instrument privilégié de médiation ds les rapports sociaux. La confrontation du jus et de la consuetudo aura bien lieu, mais plus tard. Pour l’instant, c’est ss doute l’apport des légistes qui a assuré cette promotion de l’idée de droit ds la société méridionale, mais c’est sous une forme coutumière que les solutions romaines, ou au moins certaines d’entre elles, sont passées ds la vie quotidienne.

Parallèlement à ce phénomène : floraison normative contemporaine multipliant les concessions de règles coutumières : ordonnances royales, établissements seigneuriaux ou statuts municipaux. Droit multiforme qu s’exprime à travers des textes aussi variés mêle inextricablement de vénérables institutions à des règles, voire des institutions sans passé réel. Mise par écrit largement dév. dans le Midi aboutit à fixer la coutume et à transformer en pcipes durables des solutions de compromis souvent adoptées en temps de crise. Rédaction des coutumes méridionales a commencé dès le milieu du XIIè siècle et s’est poursuivie pdt plus de deux siècles. Affirmation identitaire. Ce sont les villes du delta du Rhône, les premières touchées par la romanisation, qui ont les premières rédigé leurs coutumes : Arles v. 1160, Avignon peu après, Alès, Montpellier au début XIIIè s., etc. = coutumes urbaines (alors que ds le Nord elles sont régionales), que les juristes assimilèrent par la suite à de simples statuts municipaux : pose le pb. du rapport de la coutume à la loi (cf. infra).

Romanisation n’a pas seult influencé la mise par écrit ; a aussi influé sur le contenu des coutumes : vocabulaire, catégories, modes de raisonnement du droit écrit appliqués aux coutumes, qui gagnent ainsi en clarté et en précision ; dispositions romaines sont en outre parfois directement intégrées.

N.B. Cette rédaction fut officielle : a abouti à figer les coutumes, qui tombent en désuétude parfois très peu de temps après leur rédaction ; à la place des solutions du texte coutumier officiel, désormais inadaptées, les praticiens introduisent des propositions inédites qui, si elles ne sont pas purement romaines (il s’en faut souvent de beaucoup !) ne s’en réclament pas moins du jus scriptum. L’attitude des juristes « savants » a sans doute influencé ce processus : violent parti-pris anticoutumier se dessine au XIIIè s (alors qu’au XIIè romanistes a priori pas hostiles aux coutumes locales).

B- Affirmation (XIIIè-XVème siècles)

2 phénomènes majeurs pdt cette période :

–       la division du royaume de France entre pays de coutumes (au N.) et pays de droit écrit, déjà précisée ds une ordonnance de 1251 ;

–       la rédaction de coutumiers ds la moitié nord du pays

Concernant le 1er point, il convient de régler son compte à l’invocation d’un soi-disant maintien du droit romain ds le Midi : aucune caractéristique de fond ne sépare alors les actes élaborés ds l’une ou l’autre partie du royaume. Cause de l’évolution tient en fait à la place différente occupée par les juris periti ds le Nord et ds le Midi :

–       différence de rythme dans leur implantation : irruption des romanistes si rapide ds le Midi que le coutume n’a pas bénéficié du laps de temps nécessaire pour acquérir une force suffisante, hormis à l’int. de qques enceintes urbaine,s pour se répandre alentour. Au contraire, plus au Nord, juristes firent longtemps défaut ou restèrent en nombre limité : il faudra attendre l’essor de l’école d’Orléans pour qu’il en aille autrement ;

–       différence de densité qui persistera longtemps, notamment ds les cours de justice, chargées de reconnaître les coutumes (présence de canonistes plus marquée au Nord qu’au Sud ; or droit canon plus accueillant à la coutume que ne le sont les leges)

Au total, contraste frappant, dès la 2ème ½ du XIIIème siècle, entre une zone de droit coutumier qui offre déjà qques uns de ses produits majeurs, à travers diverses initiatives et les régions méridionales – où se trouve tari le flot des concessions originales ;

– où s’estompe, puis disparaît l’application notariale ou jurisprudentielle de la coutume. Effet pervers de sa mise par écrit réalisé un siècle plus tôt.

Concernant le second point, une zone s’étendant du Poitou à Reims, de la Bretagne à la Bourgogne livre une vingtaine d’œuvres majeures (rédactions faites sur initiatives privées, sans valeur officielle, et cela dès la fin du XIIè s. :Très ancien coutumier de Normandie : v. 1190). L’exemple le plus achevé, mais aussi le plus symptomatique : Les coutumes de la comté de Clermont en Beauvaisis (v. 1280), sans compter des séries de décisions plus ou moins complètes, mais dont le contenu est souvent tout aussi intéressant pour la connaissance de la coutume. Même si les cadences en sont variables, l’évolution prend, dans le Nord, un aspect général : le droit gagne partout en précision et en clarté à travers une triple transformation : la coutume cesse de relever du législatif ; elle se jurisprudentialise ; elle se provincialise.

–       Essoufflement normatif : baisse de dynamisme des autorités concédantes dès la fin du XIIIè siècle. Passé ce seuil, villes et princes ne se reconnaissent plus le pouvoir de promulguer une législation de quelque importance en matière de droit privé. Le processus de genèse de la coutume se dégage donc de la concession écrite : à la coutume octroyée, fait place la coutume dégagée = oeuvre des juridictions plus que des puissances, des juristes plus que des politiques. Ceci achève d’une certaine manière de conférer à la coutume ce caractère juridique qui pouvait encore lui manquer aux yeux de certains (cf. infra).

–       Concomitamment à cette décrue du législatif, essor de la jurisprudence apporte une évolution favorable à la clarification de la coutume : mise par écrit du jugement, réglementation des modes de preuve et en particulier de l’enquête par turbe, élimination de l’élément féodal ds le personnel judiciaire (car spécialisation des formations contentieuses). Là encore, l’élaboration du droit se trouve comme vidée de sa dimension politique. Inévitablement, la tendance à l’accumulation de données jurisprudentielles va désormais constituer la source principale de l’évolution : le temps est celui même où se construit, sinon la théorie, du moins la pratique du précédent. Devenue produit essentiel de la jurisprudence, la coutume allait s’en trouver bouleversée, avec en particulier une hypertrophie du droit de la famille et des biens : règlement préférentiel des rapports entre particuliers ;

–       Provincialisation de la coutume a fait éclater le cadre étroit, ville ou châtellenie, au sein duquel elle s’était d’abord formée. Evolution ayant presque toujours profité aux capitales adm. et judiciaires (dév. de l’appel et donc des juridictions d’appel, formation de milieux de praticiens et de notables concentrés au chef lieu de la province ou du bailliage).

Section III- La coutume ordonnée

Dév. du contrôle étatique : soit pour abolir les mauvaises coutumes, soit pour confirmer les « bonnes ». Toutefois, s’il est vrai que le roi est empereur en son royaume, il n’en est pas moins acquis qu’il n’a pas le pouvoir de modifier l’œuvre du peuple : « Est tenu à garder et faire garder les coutumes » : autorité monarchique est donc confiné ds un rôle purement conservateur de gardienne des coutumes .

1ères formalisations coutumières réalisées ds le Nord se révélèrent bien vite insuffisantes, parce que dépassées et surtout partielles. D’où l’idée d’une rédaction officielle des coutumes, cette fois, que favorisèrent à la fois la croissance du pouvoir royal et l’idée que le roi étant à la source de toute justice, il doit veiller au bon fonctionnement du système juridictionnel en limitant au maximum les conflits de compétences et les ambiguïtés de la règle de droit. D’abord suscitée par des impératifs techniques, la rédaction officielle des coutumes (§I) déboucha à partir du XVIè s sur une évolution de plus en plus marquée vers l’idée d’un véritable droit commun coutumier (§II).

§ I- La rédaction officielle des coutumes (XVè-XVIè s.)

A partir du moment où la royauté se sent assez forte pour agir directement sur l’ordre coutumier, elle décide de procéder à une mise par écrit officielle des différentes coutumes du royaume. Telle fut l’intention de Charles VII. Elle se concrétisa avec l’ordonnance de Montils-lès-Tours, promulguée en 1454, dont l’art. 125 ordonnait, subsidiairement que

« les coutumes, usages et stiles de tous les pays de nostre royaume soient rédigés et mis par écrit, accordés par les praticiens et gens de chacun desdits pays de nostre royaume »,

afin d’éviter les fréquentes difficultés

« par quoy les procez sont souventes foys moult allongez et les parties constituées en grands fraiz et despens. »

On examinera successivement les causes de cette décision (a), les procédures suivies pour la mettre à exécution (b) et les résultats auxquels elles permit de parvenir ( c).

A- L’initiative royale

Au milieu du XVè s., bcp de coutumes se trouvaient déjà fixées ds le cadre de rédactions privées. Mais :

– rares étaient les coutumiers qui avaient reçu approbation officielle ;

– de plus, même revêtus de ce label, ils restaient incomplets, incertains, et très marqués par les idées personnelles de leurs auteurs ;

– grandes difficultés pour déterminer le détroit ds lequel s’appliquait chacune des coutumes : ressorts généralement enchevêtrés et constituant un véritable maquis juridique : à tout moment il fallait avoir recours à des enquêtes pour en fixer les limites exactes, prouver les règles incertaines ou déterminer, en cas de dispositions contraires laquelle devait être préférentiellement appliquée.

Complexité d’autant plus gênante que les transactions et les échanges en cessaient de se développer.

– danger de voir les praticiens se tourner de plus en plus vers le droit romain. Risquait alors de se rétrécir dangereusement l’espace juridique que la royauté s’était réservée et dont elle voulait, désormais, faire un champ privilégié de son intervention.

– ambition du pouvoir royal, inquiet de voir quelques grands seigneurs locaux (comme les comtes d’Anjou en 1411, de Poitou en 1417 ou le duc de Berry en 1450) procéder eux-mêmes à une rédaction officielle des coutumes ds leur seigneurie : nécessité de défendre une prérogative essentielle de la monarchie – la garde des coutumes – et de réaffirmer sa volonté unificatrice.

Conjonction de toutes ces raisons incita à l’adoption de l’ordonnance de Montils les Tours, dont l’objet principal restait significativement l’adm. de la justice, et qui comportait un certain nombre de dispositions destinées à assurer la rédaction de l’ensemble des coutumes du royaume.

B- Les procédures suivies

¨   Procédure initiale extrêmement lourde : rédaction ds chaque bailliage d’un projet de coutume. Ce texte, une fois rédigé sous la responsabilité du bailli, devait être envoyé au roi avec, en annexe toutes les observations qui avaient pu être faites par les intéressés )à l’occasion de son élaboration. Le roi s’en réservait la publication après avoir consulté plt et conseil.

Ce syst. ne donna guère satisfaction et ne fut suivi que de médiocres résultats, en Touraine (1461) et en Anjou (1463). D’où une réforme du mode de rédaction intervenue ds les années 1497-1498.

¨   Nouvelle procédure observée jusqu’à la fin de l’AR, aussi bien pour les 1ères rédactions que pour les réformations ultérieures ; Comportait 5 phases :

à    publication des lettres patentes adressées au bailli ou au sénéchal du lieu pour ordonner la rédaction : marque bien que l’initiative n’appartient qu’au roi.

à    rédaction d’un avant-projet ou cahier provisoire, réalisée par ceux qui, localement, assuraient la justice : les juges royaux assistés des praticiens (avocats, procureurs, greffiers). Rassemblement de tous les éléments nécessaires sur les usages locaux ;

à    examen du cahier effectué sur place par des commissaires du roi choisis parmi les parlementaires du ressort. Amendement et clarification du texte, conformément aux intérêts du roi et à l’esprit du droit romain ;

à    réunion de l’assemblée des états du bailliage concerné (plusieurs centaines de participants des 3 ordre) : projet lu et discuté article par article ; commissaires défendant l’intérêt général discutaient souvent passionnément avec les praticiens locaux. Après chaque discussion, lorsque l’article rédigé était adopté par les 3 ordres, il était dit accordé. Si l’un des ordres se refusait à le voter, il était inscrit discordé par tel ordre et réservé sur le P.V. L’adoption d’un article supposait la majorité ds chaque ordre et l’unanimité es 3 ordres. A priori, mode t. démocratique ; en fait : rôle t. important joué par les commissaires royaux : influence plus que pouvoir direct : cf. notamment le rôle de Pierre Lizet (1482-1554) et de Christofle de Thou (1508-1582), tous 2 présidents du plt de Paris.

Les articles discordés devaient ensuite être renvoyés devant le plt pour une décision définitive qui traîna svt pdt plusieurs décennies ;

à    phase ultime = publication assurée sur place par les commissaires royaux des articles adoptés unanimement. Étaient déclarés « loy perpétuelle » du lieu après une lecture solennelle et faisaient l’objet d’un décret de ces mêmes commissaires. La coutume décrétée avait dès lors force de loi. Il suffisait de l’invoquer pour prouver le droit, enregistré au greffe des différentes juridictions. L’essor de l’imprimerie au début du XVIè s. favorisa la diffusion rapide de cette source du droit, ainsi que des nombreux commentaires qui ne manquèrent pas d’en être faits.

c- Les résultats obtenus

Ils furent très largement positifs. Entre 1506 et 1540, la plupart des coutumes du Nord de la France, de l’Île de France et du Centre, ainsi que qques unes du S.O. furent officiellement décrétées. Parmi les plus importantes : celles d’Orléans (1509), de Paris en 1510 et de Bretagne en 1539.

Par delà ce résultat simplement matériel :

– fixation définitive du droit coutumier, avec parfois une tendance à la sclérose. Revers de la médaille : permanence du droit féodal. Au début du XVIè s., alors que la féodalité achevait d’agoniser et que les rapports économiques se modifiaient en profondeur, le régime féodal renforça sa légalité coutumière ss apport d’une nouvelle légitimité ;

– possibilité pour la royauté d’agir sur un ordre juridique morcelé et divers.. La coutume, droit préexistant à l’Etat, se trouvait désormais en partie absorbée par lui. En lui donnant force légale, il en faisait sa propre loi, ou tout au moins un droit qui tenait de lui l’essentiel de sa valeur.

– influence du droit romain, même s’il ne se vit quasiment jamais reconnaître un rôle directement supplétoire

– évolution vers une unification générale du droit. Va encore être renforcée par la réformation de ces mêmes coutumes et l’évolution vers un droit commun coutumier.

N.B. Dans le Midi, l’ordonnance de Montils les Tours n’eut qu’une portée limitée : coutumes méridionales ne furent à nouveau rédigées que là où elles n’étaient pas complètement mortes, c’est à dire ds le ressort du plt de Bordeaux. Partout ailleurs, l’ordonnance resta sans exécution, et le courant romanisant acheva de tout submerger. Le droit écrit fut ainsi renforcé ds le Midi, tandis que le droit coutumier était consacré ds le Nord. Si ds le Nord émergence d’un véritable droit commun coutumier, identité du Midi passe dès le XIVè siècle par le droit romain.

§ II- L’évolution vers un droit commun coutumier (XVIè-XVIIIè s.)

Amorcée par la réformation des coutumes qui intervint dès la 2nde moitié du XVIè s. (A), elle fut surtout encouragée par le développement d’une réflexion doctrinale originale qui s’épanouit pdt les 2 derniers siècles de l’AR (B).

A- Le mouvement de réformation

Le XVIè s. fut une période de modernité et de mutations culturelles, sociales, économiques, politiques. Assez rapidement, les 1ères rédactions de coutumes apparurent insuffisantes ; parfois effectuées trop vite, sans réflexion, elles firent l’objet d’une critique constructive de la part des commentateurs qui comparèrent leurs dispositions au droit commun et à la jurisprudence des plts et déplorèrent lacunes et contradictions. Charles Du Moulin (1500-1566) dénonça notamment l’hétérogénéité des coutumiers, et préconisa la formation d’un droit coutumier commun à toute la France qui s’inspirerait principalement de la coutume de Paris dont il assura un commentaire abondant.

Ainsi, pour adapter le droit aux nouvelles données socio culturelles, pour combler les carences et tenter une cohérence, le pouvoir royal fit procéder à la réformation des principales coutumes françaises entre 1555 et 1581 en utilisant la même procédure que pour leur rédaction.

Mouvt répondant largement à l’attente des juristes du temps et de l’opinion. Il fut surtout réalisé ds l’immense ressort du plt de Paris et fut en partie l’œuvre d’un seul homme : Christofle de Thou, 1er président du plt désigné comme commissaire royal. Humaniste et juriste de qualité, en même temps qu’homme modéré, il chercha surtout à harmoniser, à écarter les coutumes déraisonnables en essayant de faire adopter des solutions tirées de la jurisprudence du plt de Paris, ss pour autant dédaigner les règles d’origine romaine. Aboutit ainsi à une relative unification d’une partie du droit français sur la base du droit parisien : Réforme de la coutume de Paris (1580) fit passe le nombre de ses articles de 120 à 372. Pareillement, réforme de la coutume de Bretagne par Bertrand d’Argentré (1580).

Tendance générale à l’actualisation et à la clarification également perceptible ds d’autres pays d’Europe comme les PB. S’achève avec le XVIè s :  on ne révisa guère les coutumes aux XVIIè et XVIIIè s. et seules qques rares rédactions furent entreprises au XVIIIè s. D’une manière générale, les textes réformés du XVIè s restèrent en vigueur jusqu’à la fin du l’AR. En effet, au XVIIIè s. la monarchie freina les nouvelles rédactions ou réformations qui auraient remis en vigueur des coutumes archaïques auxquelles la loi du roi aurait pu se substituer sans douleur. Il arriva d’ailleurs que le roi réglât par voie législative les difficultés inhérentes à certains articles totalement inadaptés. La souveraineté juridique du monarque s’en trouvait ainsi ponctuellement renforcée.

Au XVIIIè, le mot d’ordre n’est plus à la réformation des coutumes, mais plutôt à l’élaboration d’un droit commun coutumier.

b- Les tendances à l’unification du droit

Imptce jouée par la coutume de Paris ds ce mouvt : appelée de ses vœux par Dumoulin, sa réforme fut l’œuvre de de Thou qui en supprima les dispositions locales, en modéra les rigueurs, en romanisa l’esprit et en assura une certaine rationalisation : volonté de mettre en accord les articles de droit et les arrêts du plt. C’est pourquoi ds tt le ressort de celui ci (1/3 de la superficie du royaume) on reconnut la coutume de Paris comme modèle. D’autres provinces s’en inspirèrent ouvertement, voire l’adoptèrent purement et simplement . L’autorité royale l’imposa par ailleurs au Canada et ds les Antilles.

Ainsi, aux XVIIè-XVIIIè s., par l’effet de la centralisation, la coutume de Paris affirma sa prépondérance et devint l’expression d’une sorte de droit commun coutumier en formation.

Tdce allant ds le sens de ce que désirait l’opinion publique, comme en témoignent plusieurs cahiers de doléances du XVIè s. qui réclamèrent aussi bien la codification des ordonnances royales que celle des coutumes. Toutefois, c’est au sein de l’école doctrinale française que le commentaire comparatif et scientifique des différentes coutumes fit le plus progresser l’idée d’unification du droit.

Antoine Loysel (1536-1617), avocat, publia en 1607 un ouvrage intitulé de manière significative les Institutes coutumières où il entendait « réduire à la conformité d’une seule loi [les coutumes] plongées sous l’autorité d’un seul roi. ». Une fois encore, l’unification juridique devait parfaire l’unité politique. Recherchant l’esprit du droit coutumier traditionnel en remontant aux sources, il réduisait chaque institution juridique en principes élémentaires en les dégageant des divergences secondaires. La synthèse était alors formulée en maximes brèves qui firent bcp pour la formation d’une culture générale juridique du droit français.

Jean Domat (1625-1696) : représentant de l’école dogmatique : publia de 1689 à 1694 Les loix civiles ds leur ordre naturel, où il se proposait de donner un tableau d’une législation tant de droit public que de droit privé, conforme à la nature humaine et à la raison : 1ère synthèse juridique des Temps modernes, donnant au droit sa dimension scientifique et théorique.

Pothier (1699-1772) : après avoir été magistrat, consacra les 22 dernières années de sa vie à la Faculté des droits d’Orléans. Publia à partir de 1760 une longue série de courts traités, méthodiques et clairs, sur toutes les matières du droit français, en les comparante t rapprochant du droit romain. Exerça une influence décisive sur les rédacteurs du Code civil ?

Ds l’ensemble, à l’exception de Domat, droit français cristallisé à l’abri des tendances rationalistes qui prévalaient à la même époque aux PB ou en Allemagne. Volonté pragmatique de réaliser une synthèse réaliste des coutumes, du droit écrit et du contenu de certaines ordonnances royales. Cf. déclaration de Portalis : souhaite « conserver tout ce qu’il n’est pas nécessaire de détruire. » effort qui ne fut consacré qu’avec la nécessaire table rase opérée par la Rév. et la volonté politique manifestée par Bonaparte.


[1] Il n’en a pas toujours été ainsi. Les juristes médiévaux étaient à cet égard peut-être plus conscients de la difficulté de la question : « Circa consuetudinem multiplex consistit opiniorum varietas. » (auteur anonyme du recuuil Dissensiones dominorum, ms. Vatic. Chigi E VII.218)

[2] Lexique des termes juridiques, s. d. R. Guillien et J. Vincent, Paris, Dalloz, 1999 (12ème éd.)

[3] J. Combacau : « La coutume, de la régularité à la règle », Droits, 1986, n°3, p.3.

[4] Ibid. p. 6.

[5] J. Poumarède : « La coutume en pays de droit écrit », Recueil de la société Jean Bodin, La coutume, 1990.